Un four à bois est une Bête à l’image de son Potier.
Pas seulement à l’image de la main, ou de l’esprit qui l’a construit, ni à l’image de la sueur du bâtit,
ni celle du bois, haché, qui brûle.
Le potier qui monte son four, dans ses propres proportions, justes pour son travail, le potier qui
calcule sa cheminée, son alandier, pour fonction de sa chambre et du résultat souhaité, ce potier
provoque d’abord une Rencontre.
Au moment de la chauffe, c’est l’Esprit animant son Four qui, par le Feu, s’avance.
La Rencontre avec le potier est efficiente, naturelle, physique, et très clairement tangible.
La masse du four demande à être chauffée par la Flamme, le Feu, la Bête, pour se déplacer de 20
degrés Celsius à 1280 degrés Celsius.
Le Potier va, chercher la Bête ; la Bête, elle, ne demande qu’à être là.
Toutes attentions, toutes focalisations, toutes concentrations se transmettent du potier au feu, qui
ne cesse de s’amplifier, de s’éclairer, de blanchir.
Le Potier au bois cherche la lumière, la présence, le murmure, puis ronronnement.
Le Souffle qui s’installe, aspirations, expirations.
Remuements, souplesses.
Contractions, apaisements.
Furies.
Bichonnée, cajolée, la Bête est entendue, comprise, et nourrie à sa juste mesure.
Active, légère, bleu Calcifer.
Les matières fusionnent, l’Argile devient Céramique.
Le Four, cette Flamme, est pur produit de son potier, et traduit ainsi toutes ses attentions sur les
pièces, transcrivant, véhicule, l’accord de leurs deux présences, de leurs deux intentions.
Comment distinguer l’un de l’autre, où commence le four, où fini le potier ? Malin qui pourrait les dissocier !

Je travaille dans un four de type AnagaMix, et toute ma production est pensée pour mettre en exergue les subtilités de ce type de cuisson.
Il s’est nommé Kame Sennin, du nom du professeur de Sangoku dans Dragon Ball Z. La traduction française est Tortue Géniale ! Il porte ce nom car tout four à bois enseigne à son cuiseur, il est donc mon professeur. De plus il ressemble à une tortue quand il est actif, avec sa carapace de d’écaille.
Il permet autant d’obtenir des résultats de type Tonkgama où Anagama, que de type Phoenix.
Les Tonkgamas, où Anagamas, sont des fours où chaque argile développe ses propres caractères, où la forme est intimement liée aux rendus souhaités des amas de cendres, où les émaux se nuancent grâce à elles, et où le rendu final, archaïque et unique, est inhérent à la capacité des cuiseurs à comprendre le tout.
Feu, Atmosphère, Cendres, Argiles, Minéraux, toutes les Matières et leurs multiples origines se conjuguent dans l’esprit d’un cuiseur Anagama pour parvenir à ce qu’il désire mettre au monde.
Toute la qualité d’un cuiseur se retrouve dans sa capacité à lire dans le Feu pour comprendre ces moindres Souffles, discerner ses Rythmes, sa Respiration.
Tel une bête qu’il faut cajoler, enjôler, nourrir juste ce qu’il faut, exciter à l’oxygène sans refroidir, endormir un instant en le bourrant de bois, quitte à lui faire prendre quarante degrés lorsque tout ce bois aura brûlé, tout appel d’air grand ouvert.
Cuire un four est un art qui n’admet ni négligence, ni omission.
Travailler dans ce type de four est une technique propre et entière dans le monde Céram.
L’aspect esthétique tient autant au savoir des cuiseurs, à leur expérience de différents fours, qu’à leur capacité à concevoir une chambre et un type de courbe de cuisson propre à ce que leur art désire.






